Diffamation : définition, procédure et sanctions

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L’article 29 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse dispose :

« Toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé est une diffamation. La publication directe ou par voie de reproduction de cette allégation ou de cette imputation est punissable, même si elle est faite sous forme dubitative ou si elle vise une personne ou un corps non expressément nommés, mais dont l’identification est rendue possible par les termes des discours, cris, menaces, écrits ou imprimés, placards ou affiches incriminés ».

Toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait est une injure, et non une diffamation.

Eléments matériel

A. L’allégation ou l’imputation d’un fait

L’allégation se fonde sur les assertions d’autrui afin d’affirmer un fait. La personne qui impute des faits à une autre l’accuse directement.

L’allégation ou l’imputation sont constituées, y compris lorsqu’elles sont présentées de manière « déguisée, dubitative ou par la voie d’insinuation » [1].

L’allégation ou l’imputation doit se présenter « sous la forme d’une articulation précise de faits, de nature à être sans difficulté l’objet d’une preuve et d’un débat contradictoire » [2].

Les faits imputés ou allégués doivent donc être précis. Ont été considérées comme suffisamment précises par la jurisprudence des expressions telles que « collaborateur », « traitre à la patrie » [3].

B. Un fait qui porte atteinte à l’honneur et à la considération

L’allégation ou l’imputation doit par ailleurs porter sur un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel il est imputé, c’est-à-dire qu’il doit être diffamatoire.

1. L’appréciation objective de l’atteinte

Cet élément est apprécié de manière objective par la jurisprudence, ne prenant pas en compte la sensibilité de la victime, sa conception personnelle de l’honneur [4].

Afin de se prononcer sur le caractère diffamatoire de l’imputation, les juges du fond prennent en compte les circonstances intrinsèques et extrinsèques entourant les faits [5].

2. La nature de l’atteinte

L’atteinte peut être constituée par l’imputation d’une infraction pénale [6], notamment un homicide, un meurtre ou un assassinat [7], mais également un vol [8], une infraction liée aux mœurs.

A également été considéré comme portant atteinte à la réputation le fait d’entretenir des liens avec des malfaiteurs [9], des terroristes [10].

L’atteinte peut galement être constituée par l’imputation de faits concernant la vie privée, telle qu’être la femme ou le fils d’un criminel [11].

La considération à laquelle il est porté atteinte peut être morale mais également professionnelle [12].

C. L’atteinte à l’honneur et à la considération d’une personne identifiée

L’infraction n’est constituée que si la personne visée peut être identifiée. L’Article 29 de la loi du 29 juillet 1881 précise que la personne ne pas être expressément nommée mais être identifiable. C’est à la personne qui se sent visée d’apporter la preuve qu’elle est identifiable [13].

Il n’est pas nécessaire que la victime soit identifiable par un grand nombre de personnes. L’infraction est constituée dès lors qu’un cercle restreint identifie la personne visée [14].

Élément moral

L’élément moral est constitué par la conscience par l’auteur de porter atteinte à l’honneur ou à la considération.

Distinction avec la dénonciation calomnieuse

La dénonciation calomnieuse se distingue de la diffamation :

- la constitution de la diffamation est totalement indifférente au caractère vrai ou faux du fait imputé à la victime. A contrario, calomnier c’est imputer à une personne d’avoir commis un fait qui n’a pas été commis ou qui n’existe pas. La dénonciation calomnieuse repose sur un mensonge ;

- En outre, la diffamation peut être adressée à toute personne alors que la dénonciation calomnieuse doit être faite à une personne qui doit pouvoir y donner suite.

Répression

A. Peines

La diffamation non-publique est réprimée par l’article R. 621-1 du Code pénal, par une peine d’une amende de première classe.

Les peines encourues en matière de diffamation publique dépendent de la qualité de la victime.

Ainsi, une peine d’amende de 45.000 euros est prévue en cas de diffamation à l’encontre des cours, tribunaux, des armées de terre, mer ou de l’air, des corps constitués ou administrations publiques [15].

La même peine est encourue en cas de diffamation « à raison de leurs fonctions ou de leur qualité, envers le Président de la République un ou plusieurs membres du ministère, un ou plusieurs membres de l’une ou de l’autre Chambre, un fonctionnaire public, un dépositaire ou agent de l’autorité publique, un ministre de l’un des cultes salariés par l’Etat, un citoyen chargé d’un service ou d’un mandat public, temporaire ou permanent, un juré ou un témoin, à raison de sa déposition » [16].

Concernant les particuliers, la loi du 29 juillet 1881 prévoit à l’Article 32 une peine d’amende de 12.000 euros. Cette peine est portée à un an d’emprisonnement et 45.000 euros d’amende lorsqu’elle est commise avec un motif discriminatoire.

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B. Faits justificatifs

L’article 35 de la loi du 29 juillet 1881 prévoit une présomption de mauvaise foi « en cas de reproduction d’une imputation jugée diffamatoire ».

1. Exception de bonne foi

Selon la jurisprudence, il existe une présomption de mauvaise foi en matière d’imputation diffamatoires [17]. La mauvaise foi du prévenu n’a donc pas à être constatée, dès lors que le caractère diffamatoire des propos est établi [18].

Toutefois, cette présomption disparaît en présence de faits justificatifs « de nature à faire admettre la bonne foi » [19]. C’est au prévenu d’apporter la preuve de sa bonne foi [20].

Les mobiles ne sont toutefois pas pris en compte dans l’appréciation de la bonne foi [21].

La bonne foi se caractère par la réunion de quatre éléments, l’objectivité, la prudence dans l’expression [22], l’absence d’animosité personnelle et la légitimité du but.

2. Exception de vérité

L’Article 35 de la loi du 29 juillet 1881 prévoit une exception de vérité. Cet article dispose en effet :

« La vérité du fait diffamatoire, mais seulement quand il est relatif aux fonctions, pourra être établie par les voies ordinaires, dans le cas d’imputations contre les corps constitués, armées de terre, de mer ou de l’air, les administrations publiques et contre toutes les personnes énumérées dans l’Article 31.

La vérité des imputations diffamatoires et injurieuses pourra être également établie contre les directeurs ou administrateurs de toute entreprise industrielle, commerciale ou financière dont les titres financiers sont admis aux négociations sur un marché réglementé ou offerts au public sur un système multilatéral de négociation ou au crédit.

La vérité des faits diffamatoires peut toujours être prouvée, sauf :

-  Lorsque l’imputation concerne la vie privée de la personne ;

-  Dans les cas prévus aux deux paragraphes précédents la preuve contraire est réservée. Si la preuve du fait diffamatoire est rapportée, le prévenu sera renvoyé des fins de la plainte ;

-  Dans toute autre circonstance et envers toute autre personne non qualifiée, lorsque le fait imputé est l’objet de poursuites commencées à la requête du ministère public, ou d’une plainte de la part du prévenu, il sera, durant l’instruction qui devra avoir lieu, sursis à la poursuite et au jugement du délit de diffamation.

Le prévenu peut produire pour les nécessités de sa défense, sans que cette production puisse donner lieu à des poursuites pour recel, des éléments provenant d’une violation du secret de l’enquête ou de l’instruction ou de tout autre secret professionnel s’ils sont de nature à établir sa bonne foi ou la vérité des faits diffamatoires. »

C. Délai de prescription

L’Article 65 de la loi du 29 juillet 1881 dispose :

« L’action publique et l’action civile résultant des crimes, délits et contraventions prévus par la présente loi se prescriront après trois mois révolus, à compter du jour où ils auront été commis ou du jour du dernier acte d’instruction ou de poursuite s’il en a été fait.

Toutefois, avant l’engagement des poursuites, seules les réquisitions aux fins d’enquête seront interruptives de prescription. Ces réquisitions devront, à peine de nullité, articuler et qualifier les provocations, outrages, diffamations et injures à raison desquels l’enquête est ordonnée.

Les prescriptions commencées à l’époque de la publication de la présente loi, et pour lesquelles il faudrait encore, suivant les lois existantes, plus de trois mois à compter de la même époque, seront, par ce laps de trois mois, définitivement accomplies. »

Le délai de prescription en matière de diffamation n’est donc pas de six ans comme les autres délits de droit commun, mais de trois mois à compter du jour de la commission des faits.

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