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Selon les chiffres publiés par Santé public France en avril 2020, 90 % des personnes décédées du COVID-19 avaient plus de 65 ans. Ceci s’explique notamment par un système immunitaire moins performant chez les personnes les plus âgées ou encore par des maladies chroniques sous-jacentes à la contagion, la « co-morbidité ».

Le manque de moyens dans les EHPAD a été dénoncé, le manque d’équipement voire l’absence totale de protection dans certains établissements, exposant directement les pensionnaires au virus. Certaines familles n’ont pas reçu les bonnes informations en temps réel, d’autres se sont interrogées sur l’accès aux soins des personnes contaminées dans les EHPAD.

Dans quelle mesure il est possible d’engager la responsabilité pénale d’un EHPAD pour un décès lié au COVID-19 ?

La personne responsable des dommages commis dans un EHPAD

Lorsque l’on envisage la responsabilité pénale d’un EHPAD, plusieurs entités peuvent être visées par une plainte.

Couramment, les plaintes visent la direction de l’EHPAD, que ce soit un directeur personne physique ou bien une association ou une entreprise de gestion.

La direction d’un EHPAD est chargée d’assurer la sécurité et l’organisation de son établissement. Lorsque l’on parle de la direction de l’établissement, il peut s’agir du directeur personne physique, mais également de l’association ou de l’entreprise gestionnaire.

Engager la responsabilité pénale du directeur personne physique demande la démonstration d’une faute dans l’organisation directe du service qui est la contrepartie des pouvoirs du directeur. Le directeur personne physique ne peut être personnellement responsable que si une faute lourde lui est reprochée.

Généralement, ce sera l’association ou l’entreprise gestionnaire personne morale dont la responsabilité sera recherchée, comme le permet l’article 121-2 du Code pénal.

Il ne faut pas perdre de vue qu’un EHPAD peut être une structure de droit privée, mais également une structure de droit public. Dans cette deuxième hypothèse, la question de la responsabilité pénale est plus délicate à appréhender puisque les établissements gérés directement par l’Etat ne peuvent pas être cités devant la justice pénale. Une telle situation reste toutefois rare car il existe la plupart du temps des délégations de pouvoirs permettant de poursuivre l’établissement.

Une responsabilité pénale fondée sur les délits non-intentionnels

A. La notion de délit non intentionnel

L’article 121-3 du Code pénal pose le principe selon lequel « il n’y a pas de crime ou de délit sans intention de le commettre. ».

Par exception, pour certains délits, une faute simple d’imprudence ou de négligence ou une faute caractérisée suffisent à démontrer l’élément intentionnel. Dans les délits d’atteinte involontaire à la vie ou à l’intégrité de la personne par exemple, l’intention existe même si l’agent n’a pas souhaité les conséquences du délit.

L’article 121-3 du Code pénal ajoute : « Il y a également délit, lorsque la loi le prévoit, en cas de faute d’imprudence, de négligence ou de manquement à une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, s’il est établi que l’auteur des faits n’a pas accompli les diligences normales compte tenu, le cas échéant, de la nature de ses missions ou de ses fonctions, de ses compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont il disposait. ».

Ici, il n’est pas question d’un délit intentionnel, mais bien d’une faute d’imprudence, de négligence ou d’un manquement à une obligation de prudence et de sécurité qui auraient causé le dommage.

Par opposition à la faute simple, la faute caractérisée est définie comme suit : « les personnes physiques qui n’ont pas causé directement le dommage, mais qui ont créé ou contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage ou qui n’ont pas pris les mesures permettant de l’éviter, sont responsables pénalement s’il est établi qu’elles ont, soit violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, soit commis une faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque d’une particulière gravité qu’elles ne pouvaient ignorer. »

Lorsque l’on envisage la question de la responsabilité pénale des EHPAD, c’est bien sur le terrain de ces délits non-intentionnels que l’on se situe. Ici seul le comportement est volontaire, le résultat dommageable n’est pas recherché par l’auteur de l’infraction. Il est en effet évident que la mort d’un pensionnaire lié au COVID 19 ne peut avoir été intentionnelle ; toutefois, elle peut avoir résulté d’une faute commise par l’établissement, qu’elle soit simple ou caractérisée.

B. La faute d’imprudence, de négligence ou de manquement à une obligation de prudence et de sécurité

Le rôle principal d’un EPHAD est de garantir la sécurité de ses pensionnaires. Il s’agit d’un public particulièrement vulnérable, qui nécessite souvent des soins, et pour lequel une surveillance accrue est nécessaire.

Mais pour qu’une faute d’imprudence ou de négligence soit retenue pour engager la responsabilité pénale de l’établissement sur le fondement de l’article 121-3 du Code pénal, encore faut-il que la loi ou le règlement prévoit expressément une obligation de prudence ou de sécurité incombant à l’EHPAD.

En l’espèce, c’est bien le cas. Il s’agit de l’article L. 311-3 du Code de l’action sociale et des familles qui énonce :

« L’exercice des droits et libertés individuels est garanti à toute personne prise en charge par des établissements et services sociaux et médico-sociaux. Dans le respect des dispositions législatives et réglementaires en vigueur, lui sont assurés :

1° Le respect de sa dignité, de son intégrité, de sa vie privée, de son intimité, de sa sécurité et de son droit à aller et venir librement ;
[…] ».

Les EHPAD sont donc tenus par la loi d’assurer la sécurité des personnes qu’ils prennent en charge. Il s’agit d’une obligation de moyen.

Également, il est nécessaire de démontrer que l’auteur des faits n’a pas accompli les diligences normales compte tenu de la nature de ses missions ou de ses fonctions, de ses compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont il disposait.

En l’espèce, quelles auraient pu être les diligences normales attendues d’un EHPAD pour éviter le décès d’un résident lié au COVID 19 ? On peut penser à la généralisation des moyens de protection mis à la disposition du personnel et des résidents : masques de protection, gel hydroalcoolique, ainsi que des gestes barrières : distanciation sociale et suspension des activités avec des intervenants extérieurs.

C’est du pouvoir et de l’essence même du rôle du directeur d’un EHPAD d’assurer la mise en place de ces protections. Pour autant, le directeur de l’EHPAD en avait-il les moyens ? Certains pourront dire qu’il était impossible, dans ce contexte de crise sanitaire, d’obtenir matériellement ces moyens de protection. Mais, dans certains EHPAD, la dimension économique peut parfois avoir pris le dessus sur la sécurité des résidents ; si des masques n’ont pas été commandés, si du personnel supplémentaire n’a pas été déployé, c’est aussi parce que les établissements n’ont parfois pas voulu investir, au début de l’épidémie, dans de tels déploiements de moyens.

En ce qui concerne la mise en place des gestes barrières, la mobilisation du personnel soignant et l’arrêt des activités sollicitant des intervenants extérieurs, il sera difficile pour l’EHPAD de démontrer qu’il n’était pas de son pouvoir ou de ses compétences de faire les diligences nécessaires pour respecter ces mesures.

Enfin, lorsque l’on pense à la prise en charge médicale des résidents d’EHPAD atteints du COVID 19, le directeur de l’EHPAD n’avait souvent pas la compétence ni le pouvoir d’exiger d’un service de réanimation d’accueillir l’un de ses résidents. Encore faudra-t-il qu’il démontre qu’il a effectué toutes les diligences qui étaient en son pouvoir pour assurer son devoir de sécurité.

C. La faute caractérisée

La faute caractérisée quant à elle suppose une violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi, ou bien une faute caractérisée particulièrement grave qui a exposé autrui à un risque que l’auteur ne pouvait ignorer.

Si l’auteur n’a pas directement créé le dommage survenu, il a pour autant contribué à sa réalisation en ne prenant pas les mesure permettant de l’éviter.

En l’espèce, l’EHPAD est tenu d’une obligation particulière de sécurité à l’égard de ses résidents, prévue notamment pas le code de l’action sociale et des familles.

La question sera de savoir si l’EHPAD a violé cette obligation de manière manifestement délibérée, s’il avait conscience de contribuer à la réalisation du dommage – mort liée au COVID 19, sans prendre de mesures pour l’éviter.

Ne pas fournir de moyens de protection au personnel de l’EHPAD et aux résidents en état de fragilité, ne pas assurer le respect des gestes barrières et une prise en charge médicale effective de chacun des résidents constitue-t-il une faute d’une particulière gravité ayant directement contribué à la mort du résident infecté par le virus ?

En tout état de cause, chaque situation devra être évaluée au cas par cas pour apprécier si l’EHPAD engage sa responsabilité pénale et sur quel fondement.

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Les infractions pouvant être constituées

Sur la base de ce principe de l’infraction non-intentionnelle fondée sur une faute simple ou caractérisée, plusieurs délits peuvent être envisagés pour engager la responsabilité pénale d’un EHPAD.

A. Le délit d’homicide involontaire

Le principal délit auquel on pense lorsque l’on envisage la responsabilité pénale d’un EHPAD à la suite d’un décès lié au COVID 19 est bien le délit d’homicide involontaire.

Si la faute non intentionnelle développée précédemment parvient à être démontrée, alors le délit d’homicide involontaire pourra être caractérisé. En effet, l’article 221-6 du Code pénal énonce : « Le fait de causer, dans les conditions et selon les distinctions prévues à l’article 121-3, par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement, la mort d’autrui constitue un homicide involontaire puni de trois ans d’emprisonnement et de
45.000 euros d’amende. »

La jurisprudence a eu l’occasion de préciser que le délit d’homicide involontaire ne nécessite pas une faute caractérisée ; une faute, même légère, permet de constituer l’infraction (Crim. 23 avr. 1955 ; Crim. 28 oct. 1971, no 90-75.070).

Les juges apprécient souverainement les faits constituant les imprudences au sens de cet article. (Crim. 16 févr. 1956, no 3-70.254)

B. La mise en danger de la vie d’autrui

La mise en danger de la vie d’autrui est visée par l’article 121-3 du Code pénale et régie par l’article 223-6 du même code : « Le fait d’exposer directement autrui à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente par la violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement est puni d’un an d’emprisonnement et de 15.000 € d’amende. »

Pour être constituée, l’infraction de mise en danger de la vie d’autrui nécessite la démonstration d’une obligation imposée par la loi ou le règlement et un comportement positif de l’auteur qui enfreint délibérément cette obligation (voir infra).

Également, les plaignants doivent avoir été exposés à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entrainer une mutilation ou une infirmité permanente (voir notamment : Crim. 13 nov. 2019, no 18-82.718)

Il est à noter que l’article 223-1 du Code pénal n’exige pas que les fautes reprochées au prévenu soient la cause exclusive du danger.

Au regard de l’élément intentionnel, l’auteur des faits sait qu’il met la vie d’un tiers en danger, mais il ne souhaite pas pour autant un résultat dommageable.

Outre les peines principales d’emprisonnement et d’amende, l’article 223-18 du Code pénal prévoit des peines complémentaires en répression de la mise en danger de la vie d’autrui. On y retrouve par exemple l’interdiction d’exercer une activité professionnelle ou sociale dans l’exercice ou à l’occasion de laquelle l’infraction a été commise.

Également, l’article 223-20 du Code pénal prévoit la peine complémentaire d’affichage ou de diffusion de la décision rendue.

C. La non-assistance à personne en danger

Le délit de non-assistance à personne en danger est défini à l’article 223-6 du Code pénal comme étant le fait pour un individu de s’abstenir volontairement de porter à une personne en péril l’assistance que, sans risque pour lui ou pour les tiers, il pouvait lui prêter soit par son action personnelle, soit en provoquant un secours.

Il est de jurisprudence constante que le péril doit être grave, imminent et constant (Crim. 13 janv. 1955).

La gravité du péril doit être appréciée au moment où la personne qui peut intervenir a connaissance de celui-ci. Le délit est constitué dès lors que la personne qui pouvait porter secours ne pouvait se méprendre sur la gravité du péril et s’est volontairement abstenue d’intervenir (Crim., 26 mars 1997).

L’élément moral de l’infraction est constitué dès lors que la personne qui pouvait porter secours a eu connaissance d’un péril imminent, rendant son intervention nécessaire, mais qu’elle a volontairement décidé de ne pas intervenir (Crim., 25 juin 1964).

La situation étant tellement exceptionnelle et inattendue, les EHPAD n’ont pas toujours réussi à s’adapter et à assurer leur obligation de sécurité à l’égard des résidents. Si certains EHPAD ont fait le choix de demander à leurs personnels, sur la base du volontariat, de rester confiner sur place avec les résidents, une telle mesure ne saurait être imposée et généralisée à l’ensemble des établissements, même si elle a montré son efficacité dans la lutte contre le COVID 19.

Avi Bitton, Avocat, et Anne-Claire Lagarde, Juriste

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